1. Une administration numérisée mais toujours centralisée
La Chine a franchi un cap en matière de digitalisation, intégrant les technologies dans la plupart des fonctions économiques et administratives. Ce modèle a amélioré l’efficacité du pays, tout en rendant la gouvernance plus réactive et plus intrusive. Pour les entreprises étrangères, cela impose une adaptabilité rapide et une vigilance accrue en matière de conformité et de protection des données.
Immatriculation et procédures administratives : depuis 2021, l’immatriculation des entreprises étrangères peut se faire via les portails du MOFCOM et du SAMR. Les documents (statuts, pièces d'identité, lettres de nomination) sont postés en ligne, signés électroniquement, et validés grâce à la reconnaissance faciale.
Cependant, cette étape numérique ne remplace pas les obligations physiques. C'est le cas pour les formalités de constitution ou de modifications statutaires de filiales à capitaux 100 % étrangers, de joint-ventures et de bureaux de représentation. Les originaux signés, tamponnés et notariés ou apostillés restent nécessaires. En effet, ils doivent encore être transmis aux autorités de tutelle qui traitent le dossier. La numérisation précède donc le traitement administratif ordinaire, sans l’éliminer. Ainsi, l'efficacité et la rapidité accrue des dossiers ne se substitue pas a la bureaucratie millénaire.
Pour leurs déclarations fiscales et e-facturation, les entreprises doivent depuis 2020 renseigner une plateforme en ligne de l’administration fiscale chinoise. Les fapiaos (factures officielles) sont électroniques. Les déclarations sont croisées avec d'autres bases de données (douane, sécurité sociale) afin de détecter les fraudes. Une alerte est automatiquement générée en cas d’incohérence.
Pour la certification, homologation et les appels d'offres : les certifications de produits, les enregistrements NMPA (cosmétiques, dispositifs médicaux, médicaments) ou CFDA (denrées alimentaires), passent désormais par des interfaces numériques. Idem pour les réponses aux appels d’offres publics, le système cebpubservice.cn permet de consulter et soumissionner entièrement en ligne. Des outils d’analyse automatique assistent les jurys dans l’évaluation des offres.
2. Une logistique dopée par le numérique
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Guichet unique et IA douanière : le portail gouvernemental China International Trade Single Window centralise désormais toutes les formalités liées à l’import-export auprès des douanes chinoises, de l’inspection sanitaire et des autorités portuaires. L’intelligence artificielle y est largement intégrée pour profiler les expéditions, détecter les anomalies, automatiser les contrôles documentaires, et ainsi accélérer les opérations de dédouanement.
Suivi des produits sensibles et traçabilité : les produits dangereux (produits chimiques, lithium), les dispositifs médicaux doivent être enregistrés sur des plateformes connectées à la police, aux autorités environnementales (EBP) et aux douanes. Les QR codes sur chaque colis permettent un suivi géolocalisé.
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- Explosion de l’emploi logistique
: l’essor du e-commerce a bouleversé toute la chaîne logistique chinoise. Grâce à des acteurs comme JD Logistics, Cainiao ou Meituan, des milliers d’entrepôts automatisés et de hubs régionaux ont vu le jour. La livraison du dernier kilomètre repose sur des flottes massives de scooters électriques. On estime qu’en moins de 10 ans, plus de 25 millions d’emplois ont été générés dans l’ensemble de la chaîne logistique numérique. Un chiffre qui illustre à lui seul la transformation de la mobilité des marchandises en Chine.
3. Vie quotidienne, consommation et société hyperconnectée
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Avec l’émergence d’Alipay (Ant Group) et de WeChat Pay (Tencent), la Chine a connu une transition éclair vers une économie sans espèces. Depuis 2015, ces 2 applications mobiles ont remplacé les especes dans la majorité des transactions quotidiennes : courses, achat d’un café, paiement du billet de bus ou de métro.
Aujourd’hui, les marchands arborent leur QR code personnel imprimé sur un panneau , permettant à n’importe qui de les payer via son smartphone.
En 2024, plus de 90 % des transactions de détail sont réalisées par voie électronique en zone urbaine. Les espèces deviennent parfois si rares que certains commerces et chauffeurs de taxi ne savent plus rendre la monnaie.
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Cette tendance s’est fortement accentuée pendant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle les paiements sans contact ont été privilégiés pour des raisons sanitaires. Ce phénomène a accéléré l’abandon de la monnaie papier et des pièces, y compris dans les zones rurales.
3.1. Une rupture culturelle majeure avec les modèles occidentaux
Cette adoption massive contraste fortement avec les pratiques en vigueur en Europe ou en Amérique du Nord, où le paiement en espèces reste protégé par des habitudes sociales, des régulations ou des considérations éthiques. Pour les chinois, l’efficacité et la praticité priment sur la confidentialité ou le libre choix du moyen de paiement. Beaucoup d’occidentaux restent attachés à l’anonymat du cash, perçu comme un gage de liberté individuelle.
En Chine, la notion de traçabilité intégrale est non seulement acceptée, mais valorisée : elle est perçue comme une façon de garantir l’ordre, de faciliter la gouvernance et de prévenir la fraude. Le paiement numérique est également intégré dans un écosystème multifonction. Il permet d’accéder à des prêts bancaires, de réserver un billet de train, de prendre un rendez-vous à l’hôpital. Le tout sans forcement changer d’application.
Pour un visiteur étranger, cette fluidité peut être déroutante, notamment en raison de la barrière linguistique et du besoin de posséder une carte bancaire ou un compte chinois pour activer certaines fonctions. À l’inverse, un citoyen chinois peut trouver archaïque et frustrant un système occidental où le paiement nécessite encore une carte de crédit, des billets ou une signature papier. Lire aussi l'article sur les différences culturelles en entreprise entre la France et en Chine.
3.2. Le commerce en ligne et les influenceurs chinois
Avec le commerce digital qui se généralise, le rôle des influenceurs a fait naître beaucoup de vocations. Des plateformes comme Taobao, JD, Pinduoduo ou Xiaohongshu ont remodelé les habitudes de consommation. Comme en Occident, le live streaming commercial permet d’acheter en direct pendant qu’un influenceur présente un produit. Cette pratique devenue habituelle a aussi eu pour effet de réduire la fréquentation des magasins physiques.
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L’usage intensif des écrans s'étend à la consommation, au divertissement et à l’information mais aussi aux services publics et aux transports : taxi, métro, bus (électriques dans les grandes métropoles) et location de vélos publics.
Dans les grandes villes comme Shanghai, Pékin, Canton et Shenzhen, ce sont entre 50 % et 60 % de voitures électriques individuelles qui font partie du parc automobile.
Les véhicules électriques tels que ceux de BYD, Nio, Zeekr ou Xpeng offrent des services digitaux intégrés : système de navigation GPS connecté à l’administration routière, interface vocale intelligente, contrôle à distance via app, paiement automatique du stationnement ou des péages.
La voiture devient un prolongement numérique du foyer, avec reconnaissance faciale, profil de conduite enregistré dans le cloud, et parfois diffusion de publicités personnalisées dans l’habitacle.
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Pourtant, les autorités sont attentives à la protection de la jeunesse face aux écrans. Elles ont imposé en 2021 des limites de temps pour les jeux vidéo : 3 heures par semaine pour les mineurs. Mesure prise dans un objectif de protection de la santé mentale des jeunes générations. Les technologies de reconnaissance faciale empêchent le contournement des règles.

4. Plateformes chinoises et internationales : un écosystème autonome
Service occidental |
Accessibilité publique en Chine |
Équivalent chinois |
Google |
Accessible en Chine jusqu'en 2010. Conflit avec les exigences de censure et attaque ciblée sur des comptes Gmail de dissidents. |
Baidu (百度) |
YouTube |
Accessible jusqu’en mars 2009. Blocage après la publication de vidéos montrant la répression des émeutes au Tibet. |
Bilibili (哔哩哔哩)
Youku (优酷)
Tencent Video (腾讯视频) |
Facebook |
Accessible jusqu’à juillet 2009. Bloqué après des émeutes au Xinjiang. Les autorités accusent Facebook d’avoir permis l’organisation des manifestants. |
WeChat (微信)
Weibo (微博) |
Instagram |
Accessible puis bloqué en 2014 car intervenu durant les manifestations de Hong Kong. |
Xiaohongshu (小红书 RED)
Douyin (抖音) |
WhatsApp |
Partiellement accessible en jusqu’en sept 2017. Fonctionnement dégradé puis interruption totale à l’approche du 19e Congrès du Parti. |
WeChat (微信) |
Twitter (X) |
Accessible jusqu’à juin 2009. Service bloqué peu avant l’anniversaire des événements de Tian’anmen. |
Weibo (微博) |
Amazon |
Amazon.cn implanté en Chine en 2004, puis acquis par Joyo.com. Quitte le e-commerce en 2019 mais garde ses services AWS et transfrontaliers (import export) |
Taobao (淘宝)
JD.com (京东)
Pinduoduo (拼多多) |
Wikipedia |
Version chinoise restée longtemps bloquée. Blocage de toutes les versions en avril 2019. |
Baidu Baike (百度百科)
Hudong Baike (互动百科) |
A propos de l'Intelligence artificielle chinoise : dans la lignée traditionnelle des grands plans chinois, un plan national appelé AI China 2030 vise à faire de la Chine le leader mondial de l’IA. Des acteurs géants du numérique chinois comme Baidu, Tencent, Huawei, iFLYTEK ou SenseTime développent des IA dans les domaines du langage, de la vision, de la conduite autonome et de l’éducation.

5. Communication, gouvernance et surveillance numérique
La Chine a mis en place ces dernières années un écosystème de communication numérique directe entre l’État et ses citoyens, reposant presque exclusivement sur les téléphones mobiles. Cette transition, accélérée pendant la pandémie de Covid-19, repose sur des outils technologiques simples, mais à fort impact : les QR codes sanitaires, SMS gouvernementaux, les alertes de sécurité ou d’urgence, notifications administratives.
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Alertes, suivi sanitaire et SMS officiels : pendant la pandémie, le système de QR code de santé (健康码 jiànkang ma) s’est imposé comme un instrument de contrôle des déplacements et de la santé publique. Chaque citoyen, résident ou voyageur devait afficher sur son smartphone un code couleur (vert, orange ou rouge) généré par les grandes plateformes Alipay ou WeChat. Ce code était lié à une base de données centrale croisant les antécédents de voyage, les contacts étroits, et les résultats de tests PCR. Il conditionnait l’accès aux transports et lieux publics, aux immeubles résidentiels, et même aux restaurants.
En parallèle, les autorités locales et nationales envoient régulièrement des SMS d’alerte ou de prévention : alertes météo (typhons, vagues de froid, chaleur extrême), messages de la police en cas d’enquête ou d’alerte publique, consignes sanitaires, voire rappels d’impôts ou de vaccinations. Cette pratique, largement acceptée socialement, ancre le téléphone mobile comme principal canal d’échange entre les citoyens et l’administration.
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Une surveillance douce ou un contrôle actif ?
La technologie n’est pas seulement utilisée à des fins informatives ou préventives. Elle constitue aussi un outil de surveillance intégré dans un système normatif appelé à renforcer la discipline sociale et la confiance dans les institutions. Deux mécanismes illustrent cette logique : la délation numérique et le crédit social.
Le signalement en ligne des infractions ou litiges
Les consommateurs chinois peuvent déposer en ligne toute plainte auprès de la SAMR (Administration pour la régulation du marché). Ce système est couplé aux plateformes d’e-commerce, qui redirigent les utilisateurs vers des formulaires de plainte officiels ou internes. L’administration suit en temps réel les cas signalés et peut imposer des sanctions rapides. La réputation d’un commerçant en ligne peut être affectée instantanément : retrait de produits, déclassement dans les résultats de recherche, blocage temporaire, ou enquête.
Le traitement est facilité par la centralisation des données, l’identification unique des entreprises (via leur code d’enregistrement à 18 chiffres) et l’interconnexion des bases de données entre les administrations.
Le crédit social des vendeurs et leur réputation en ligne
Le système de crédit social (社会信用体系), en place depuis les années 2010, repose sur l’enregistrement des bonnes ou mauvaises pratiques commerciales. Une entreprise qui ne respecte pas ses obligations déclaratives, fiscales, contractuelles ou environnementales peut voir sa note de crédit sociale abaissée automatiquement. Cela entraîne des conséquences concrètes : restrictions d’accès aux appels d’offres publics, limitation d’activités réglementées, ou impossibilité d’obtenir certains permis.
En ligne, cette notation est visible par tous, notamment sur les plateformes comme Credit China (信用中国) ou le système national de publicité des informations sur les entreprises (企业信用信息公示系统). L’impact est à la fois juridique, commercial et réputationnel.
Un modèle en rupture avec les standards occidentaux
Ce système numérique de communication et de gouvernance est largement centralisé et peu contesté sur le plan national. Contrairement aux pays occidentaux où les alertes sont souvent limitées à des notifications volontaires ou localisées, la Chine fait de la communication directe par mobile un canal obligatoire, parfois intrusif.
De même, le signalement en ligne et la sanction automatique n’ont pas d’équivalents en Europe ou aux USA, où la protection des données personnelles et les droits de recours individuels limitent les décisions automatisées. En Chine, la réactivité des autorités et le caractère visible des sanctions créent un écosystème perçu localement comme plus efficace, mais aussi plus strict et normatif.
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6.1. Approche centralisée contre modèle libéral
En Chine, la digitalisation est impulsée par l’État avec un objectif de contrôle social, d’efficacité et de développement économique. À l’inverse, en Europe ou aux États-Unis, la numérisation est menée par le secteur privé, avec un encadrement juridique fort (par exemple, le réglement RGPD EU 2016/679).
Ailleurs en Asie (Japon, Corée du Sud, Singapour, Taiwan), la numérisation est également avancée mais moins intrusive, avec un respect plus marqué de la vie privée.
6.2. Acceptation sociale
Les citoyens chinois montrent un haut degré d’acceptation du contrôle numérique, en contrepartie de services pratiques, rapides et efficaces. L’utilisation de la reconnaissance faciale pour l’entrée dans le métro ou pour la consultation de résultats scolaires est devenue normale. Dans les pays occidentaux, ce type de contrôle serait simplement rejeté pour atteinte aux libertés.
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UN PROVERBE CHINOIS |
沿着河路走,比进梦里找路好。
Yánzhe hé lù zǒu, bǐ jìn mèng lǐ zhǎng lù hǎo.
"Mieux vaut suivre la voie tracée par le fleuve que chercher
son chemin dans les rêves."
Ce proverbe illustre l’esprit chinois d’adaptation et de pragmatisme dans l’adoption des technologies. Une digitalisation guidée par les besoins collectifs plus que par l’idéal individuel.
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7. Des opportunités d'affaires pour les entreprises occidentales
Secteur |
Opportunités d'affaires |
Exemples de services & produits |
Smart cities & gouvernance |
Solutions de gestion urbaine connectée |
Logiciels de mobilité,
plateformes de données ouvertes |
Logistique et e-commerce |
Technologies de suivi,
plateformes d'intégration |
IoT pour entrepôts,
API de suivi en temps réel
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Mobilité électrique |
Services connectés pour véhicules |
Interfaces vocales, navigation,
systèmes de paiement embarqué |
Santé numérique |
Outils de téléconsultation, suivi de santé connectée |
Applications santé, objets médicaux connectés et tests, IA de diagnostic |
Cybersécurité et souveraineté des données |
Solutions adaptées au contexte chinois |
Pare-feux, outils de conformité,
audit de protection des données |
Éducation et e-learning |
Contenus interactifs adaptés aux standards chinois |
Plateformes multilingues, IA éducative, tutorat en ligne. |
CRM et e-réputation |
Outils de suivi des avis et réputation sociale |
Tableaux de bord, IA de modération,
analyse des signaux faibles. |
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EN CONCLUSION |
La Chine s’est engagée dans une digitalisation systémique de son administration, de son économie et de la société dans son ensemble. Ce modèle piloté par l’État, soutenu par des entreprises puissantes, et accepté par une population connectée en permanence, est devenu une force structurante du pays.
Mais cette efficacité s’accompagne de contrôles renforcés et d’une normalisation des comportements numériques. Face à cette mutation, les pays occidentaux sont à la croisée des chemins : faut-il s’inspirer de la performance chinoise, ou préserver un modèle fondé sur les libertés individuelles au prix d’une digitalisation plus lente et morcelée ?
La Chine, en tout cas, trace une voie singulière, et désormais
incontournable, dans le monde numérique du XXIe siècle.
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8. Nos services d'implantation et de développement commercial en Chine

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