1. Chronologie historique de la guerre commerciale sino-américaine
Date |
Événement et chronologie des mesures clés (2017-2025) |
Août 2017 |
Les États-Unis lancent une enquête en vertu de la section 301 à l'encontre de la Chine, entraînant ainsi un conflit commercial majeur entre les deux grandes puissances. Cette section 301 de la loi sur le commerce extérieur des États-Unis date de 1974. Elle autorise le Bureau du représentant au commerce à adopter des mesures contre les politiques commerciales de pays étrangers, sur demande du président américain.
|
Mai 2018 |
Droits de douane de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium imposés par les USA.
|
Juillet 2018 |
Début du conflit commercial avec 25 % sur 34 milliards d'USD de produits chinois.
|
2018 – 2019 |
Escalade des tensions. Plusieurs vagues de hausses tarifaires et de contre-mesures entre les deux pays.
|
Janvier 2020 |
Signature de l'accord commercial dit de Phase 1, avec des engagements d'achats accrus de la part de la Chine, et peu respectés ensuite.
|
2022 et 2023 |
L’administration Biden maintient les droits punitifs et forme des alliances techno-stratégiques.
|
Janvier 2025 |
Donald Trump entame son second mandat présidentiel.
|
Février 2025 |
Première hausse de 10 % des droits de douane américains sur les produits chinois
|
Mars 2025 |
Nouvelle hausse de 10 %. La Chine réplique avec 15 % sur des produits agricoles.
|
2 avril 2025 |
Donald Trump annonce une hausse de 34 % (total 54 %) + droits sur certains produits européens.
|
4 avril |
La Chine impose 34 % sur tous les produits américains, effectifs au 10 avril.
|
7 avril |
Menace de Trump : +50 % si la Chine ne retire pas ses mesures.
|
9 avril |
Chine : droits à 84 %. USA : droits à 125 %, puis 145 % le lendemain.
|
11 avril |
La Chine porte ses droits à 125 % et suspend des exportations stratégiques (terres rares, gallium, germanium)..
|
13 avril |
La Chine porte ses droits à 125 % et suspend des exportations stratégiques (terres rares, gallium, germanium).
|
15 avril |
Les USA appellent à l'isolement économique de la Chine et mobilisent leurs alliés.
|
16 avril |
La Chine affirme ne pas craindre la guerre commerciale et appelle au dialogue.
|
26 avril |
Pékin dépose plainte auprès de l’OMC contre les surtaxes américaines.
|
12 mai |
À la suite de négociations à Genève, les États-Unis et la Chine ont convenu d’une réduction de 90 jours des tarifs douaniers : les États-Unis abaissent les tarifs sur les produits chinois de 145 % à 30 %, et la Chine réduit les tarifs sur les produits américains de 125 % à 10 %.
|
2. Comprendre les intrications de cette guerre des droits de douane
2.1 Explication du mot "tariff" américain utilisé dans la langue française
Le mot tariff en anglais américain ressemble au mot français tarif, mais sa signification principale est différente, surtout en commerce international.
En anglais américain, tariff = droit de douane. C'est une taxe appliquée sur un produit importé depuis l’étranger. Elle est payée à la frontière par l’importateur, quand la marchandise entre aux États-Unis.
En français, tarif = prix ou liste de coût.
2.2 Nouvelle législation chinoise sur les droits de douane
La Chine a adopté début 2024 une réforme de sa réglementation douanière, créant un cadre plus flexible permettant des hausses ciblées de droits de douane, en réponse à des sanctions étrangères. C'était encore l'administration Biden qui gouvernait le pays. Avec le recul, cette réforme semblait répondre autant à la possibilité d’un retour de Donald Trump qu’aux pratiques américaines d’escalade des droits de douane. Sans véritable impact sur les sociétés commerciales en Chine, cette loi sur les droits de douane vise surtout à renforcer les outils de rétorsion commerciale de Pékin vis a vis des menaces extérieures.
2.3 Comprendre les droits de douane a l'import aux USA et en Chine
Aux États-Unis, le calcul des droits de douane ordinaires repose principalement sur la valeur en douane du produit, à laquelle s’ajoutent parfois des "additional duties" comme ceux imposés par D. Trump. Par contre, la TVA n’est pas appliquée à l’importation. C'est à dire que lorsqu'une entreprise aux USA importe un produit d'Europe ou d'ailleurs vers les États-Unis, aucune TVA (taxe sur la valeur ajoutée) n’est appliquée par les autorités américaines. Le système fiscal américain fonctionne différemment de celui de l'Union européenne.
La Chine applique un droit de douane classique selon le tarif douanier (et codes HS des produits), auquel s’ajoute une TVA à l’import (le taux général est de 13 %) parfois majorée d’une taxe a la consommation (sur les produits de luxe par exemple). Les droits punitifs - de rétorsion – remplacent les droits ordinaires.
2.4 Enjeux douaniers et stratégiques : comprendre les règles et anticiper
Les tensions sino-américaines obligent les entreprises européennes à repenser leur stratégie douanière. La distinction clé entre l’origine douanière et la provenance est essentielle pour éviter les surtaxes.
|
|
L’origine douanière d'un produit est déterminée par son pays de fabrication, selon des règles dites de transformation suffisante et ce, indépendamment du pays d’expédition (la provenance). Cela impacte l’application des droits de douane punitifs, si applicables ou de quotas par exemple.
Pour illustration, un produit de marque américaine fabriqué dans une usine chinoise (d'origine Chine) importé en Europe est soumis aux droits de douane import de l’UE applicables pour une origine Chine et non pas sur une origine USA.
Par exemple le cas des produits Apple Iphone.
|
Un produit chinois exporté via le Vietnam ne perd pas son origine Chine si la transformation appliquée y est trop minime par exemple. Ces aspects d'origine, de provenance et de transformation de produits font partie de stratégies douanières réfléchies et largement appliquées par les sociétés internationales les plus avancées.
Les entreprises ayant une maîtrise des règles de transformation sous douane, perfectionnement actif et passif peuvent optimiser leurs chaînes logistiques. Ainsi, la logistique et le transport deviennent des variables critiques, à ajuster en fonction des tensions régionales.
2.5 L'impact macroéconomique du conflit commercial sur la Chine et les États-Unis
Les conséquences pour la Chine |
Les conséquences pour les États-Unis |
Pression sur les exportations : baisse des ventes export vers les États-Unis.
En 2023, les États-Unis ont représenté environ 15 % du total des exportations chinoises. En 2018 (avant l’escalade de la guerre commerciale), ce chiffre était plus proche de 19 %.
Accélération du repositionnement vers d'autres marchés (ASEAN, Afrique, UE).
Développement accru des chaînes de valeur nationales.
|
Hausse des prix à la consommation et réduction des importations de composants chinois (électronique, équipements).
Tensions sur les coûts de production dans l’industrie manufacturière. L’inflation devient un piège politique : le consommateur anticipe une hausse des prix de 6,7 %. La FED prévoit 4 % d’inflation en 2025 (au-dessus de l'objectif de 2 %).
Pour les filiales américaines en Chine : complexité réglementaire accrue et risques de double imposition (droits de douane ordinaires et punitifs s'ajoutent) ou de mesures non tarifaires (inspections, normes).
|

3. Chiffres des échanges et investissements croisés Chine-USA
|
Exports Chine vers les USA
|
Exports USA
vers la Chine
|
|
IDE Chine aux USA |
IDE USA en Chine |
2015 |
482 |
116 |
-366 |
8 |
13 |
2018 |
540 |
120 |
-420 |
5 |
10 |
2020 |
452 |
125 |
-327 |
4 |
7 |
2022 |
500 |
151 |
-349 |
3 |
9 |
2024* |
470 |
142 |
-328 |
2 |
8 |
Sources : statistiques du US census bureau, BEA et GACC.
Données exprimées en milliards d'USD. IDE = investissement direct étranger. Chiffres 2024* prévisionnels. |
En réaction face aux annonces de Donald Trump, les autorités chinoises ont adopté une communication duale : officiellement ferme, mais en coulisses ouverte au dialogue. La Chine a répondu par des contre-mesures tout en maintenant un canal diplomatique actif. Cette stratégie vise à limiter l'impact sur sa propre économie et à maintenir l’attractivité de son marché.
On assiste aussi a une montée des barrières non tarifaires. Outre les droits, la Chine a renforcé les inspections en douane et contrôles qualité sur les produits sensibles importés (dont l'agroalimentaire). Les exigences de conformité sont accrues pour les normes et la certification. Ce durcissement a été perçu par certains observateurs comme des représailles déguisées.
Malgré une rhétorique officielle tendue de part et d'autre, les relations personnelles entre Les présidents Trump et Xi ont été marquées par une certaine cordialité. Des sources suggèrent que Pékin aurait préféré la prévisibilité de Donald Trump face à l'approche plus prudente et distante mais bien ferme de l'administration démocrate du camp Biden.
4. Produits échangés et flux bilatéraux Chine États-Unis en 2024
Principaux exports de Chine vers les USA |
Principaux exports américains vers la Chine |
Produits |
Valeur (Mds USD) |
Produits |
Valeur (Mds USD) |
Électronique |
110 |
Soja |
20 |
Machines industrielles |
60 |
Semi-conducteurs |
18 |
Jouets |
22 |
Avions |
15 |
Meubles |
20 |
Voitures |
12 |
Vêtements |
18 |
Équipements médicaux |
10 |
Pour quelques exemples de secteurs impactés :
- Automobile : Tesla avait localisé sa production a Shanghai pour éviter les droits chinois a l'import.
- Agroalimentaire : les producteurs américains de soja et de porc ont souffert des contre-mesures.
- Électronique : Apple, via ses sous-traitants chinois, a subi des tensions sur la chaîne logistique.

5. Enjeux, tactiques et perspectives
Si les États-Unis renforcent cette année leur guerre commerciale, ils reviennent partiellement sur cette décision le 13 avril, exemptant des produits électroniques chinois comme les Smartphones et semi-conducteurs. Cette mesure, prise sous la pression des géants technologiques américains, vise à éviter une hausse excessive des prix, notamment pour des produits emblématiques comme l’iPhone, dont le prix pourrait doubler - aux USA - à cause des surtaxes. L’inflation devient un défi politique pour les USA, car les consommateurs anticipent une hausse importante des prix.
La Chine, sous la direction de Xi Jinping, répond aux États-Unis par une stratégie d’escalade et de réciprocité. Elle vise non seulement les produits américains mais aussi des secteurs stratégiques pour les États-Unis, comme les terres rares. Moins dépendante des États-Unis, elle diversifie ses sources d'approvisionnement, notamment agricoles. Les États-Unis, eux, restent fortement dépendants de la Chine pour des produits comme les jouets et les semi-conducteurs.
L'hostilité entre les deux puissances dépasse les enjeux commerciaux et s'étend à des questions géopolitiques, notamment Taïwan et aux alliances internationales. La Chine, bien qu’en difficulté économique, a pris des mesures pour se préparer à affronter les sanctions américaines. Pékin a mis en place des politiques pour favoriser l’autosuffisance technologique et limiter sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. Quels bénéfices pour l'UE ?
|
|
La Chine cherche à renforcer ses liens avec l’Europe.
Elle utilise des événements comme le cinquantenaire des relations UE-Chine pour tenter de restaurer ses relations commerciales avec Bruxelles.
Elle souhaite aussi relancer les négociations sur un accord cadre d’investissement avec l’Union européenne et remettre sur la table ce projet qui date de décembre 2020.
Prévu pour une entrée en vigueur dès 2022, il avait été gelé au Parlement européen après des tensions entre la Chine et l'UE, notamment en raison du traitement des Ouïghours.
|
L’UE réagit de manière prudente et reste méfiante, malgré les efforts de Pékin pour séduire certains pays européens. Les 27 pays de l’UE craignent un afflux de produits chinois sur leur marché. Les tensions géopolitiques, dont le soutien de la Chine à la Russie, compliquent les relations avec l’Europe.
|
Les défis géopolitiques et économiques : la Chine cherche à améliorer ses relations économiques avec l’Europe tout en surmontant des divergences sur des questions politiques, telles que les droits de l'homme et les subventions d’État qui soutiennent certains secteurs clés de l'industrie chinoise, comme les véhicules électriques. Ces divergences créent des obstacles à une coopération économique plus profonde.
Une approche différenciée entre les États membres de l'UE : Xi Jinping tente de renforcer les relations avec certains pays de l'UE plus ouverts à la coopération avec la Chine, comme la France, la Serbie et la Hongrie. Cela montre une stratégie de Pékin qui vise, selon les points de vue à privilégier des relations plutôt de nature bilatérale avec les États européens, ou bien a exploiter les divisions internes au sein de l’UE pour avancer ses intérêts.

6. Évolution et impact pour les entreprises françaises et européennes
Un accord global est peu probable. La crise s’est déplacée sur le terrain technologique, comme l'illustre l'exclusion de Huawei et la guerre des semi-conducteurs. Aujourd’hui, les États-Unis s’engagent dans un découplage quasi-total, avec des objectifs peut-être peu réalistes, comme relocaliser massivement la production. Ce conflit redéfinit les équilibres mondiaux. Pour les entreprises françaises, il s’agit moins d’un conflit lointain que d’une transformation structurelle à intégrer dans leurs stratégies d’import-export, repenser les chaînes d'approvisionnement, de sourcing et d’investissement.
Les droits de douane punitifs devraient rester en place à court terme. Toutefois, une réorganisation des chaînes de valeur s’intensifie vers des pays tiers comme le Vietnam, l’Inde, et le Mexique.
Pour les entreprises et européennes, cela implique de revoir leurs circuits des achats internationaux. Cette guerre offre également des opportunités stratégiques pour les entreprises françaises. L'incertitude géopolitique crée un environnement favorable pour les entreprises cherchant à investir en Chine ou dans d'autres pays de la région Asie-Pacifique. Pékin encourage les investissements étrangers dans des secteurs clés, et les entreprises peuvent profiter de cette ouverture tout en limitant leur dépendance aux États-Unis grâce à des accords commerciaux régionaux comme le RCEP ou le CPTPP. Cela leur permet d'accéder à de nouveaux marchés avec des conditions fiscales et commerciales avantageuses.
|
|
 |
De vérifier attentivement les règles d’origine. Les changements dans les stratégies douanières offrent également une occasion de revoir les pratiques de transformation et de valeur ajoutée. En s'adaptant aux nouvelles régulations et en optimisant les chaînes de valeur, les entreprises peuvent se positionner de manière plus flexible, tout en explorant des solutions alternatives comme les zones de libre-échange ou en repensant l’équation logistique avec d'autres régions pas ou moins touchées par les surtaxes. Cela permet aux entreprises de renforcer leur compétitivité mondiale, même face à des hausses de tarifs.
De plus, les entreprises européennes peuvent tirer parti des changements dans les dynamiques de consommation. Par exemple, alors que les prix augmentent pour certains produits, de nouveaux secteurs de consommation émergent dans les marchés asiatiques, notamment dans les technologies avancées et produits de consommation durable. Cela offre des perspectives pour diversifier les produits et capter une demande croissante, en particulier dans les pays d'Asie du Sud-Est.
Enfin, bien que les tensions géopolitiques soient fortes, elles ouvrent également la voie à une coopération accrue entre l'Europe et la Chine. Les négociations sur des accords d’investissement et le soutien chinois aux partenariats internationaux permettent aux entreprises européennes de diversifier leurs investissements et de se positionner sur des marchés moins dépendants des États-Unis, notamment en Asie et en Afrique.
|
En conclusion, si la guerre commerciale représente un danger, elle offre aux entreprises françaises et européennes une chance unique de repenser leurs sources d'approvisionnement et de transformation.
Elle permet aussi de renforcer leur présence dans les marchés émergents et de développer des stratégies plus robustes et compétitives face aux positions qui avaient été prises en Chine par les sociétés américaines.
|
|
7. Nos services aux entreprises en Chine
|