1. Un nouveau règlement intègre la possibilité d'un arrêt temporaire d'activité
Applicable depuis mars 2022, le nouveau « Réglement de l'enregistrement et administration des entités du marché » en Chine (中华人民共和国市场主体登记管理条例) ci-après dénommé « Règlement » introduit et permet pour la première fois un régime de mise en sommeil des entreprises.
Il illustre la possibilité reconnue par les autorités que des investisseurs et entrepreneurs peuvent temporairement suspendre ou stopper leurs activités sans avoir à fermer une société ni résilier ses licences chinoises.
Le Règlement s’applique à toutes les formes d'entreprises implantées en Chine: sociétés à capitaux chinois, joint-ventures sino-étrangères et filiales à capitaux 100% étranger (WOFE).
Cette disposition prévoit la possibilité de suspendre légalement l’activité d’une entreprise. Elle est souvent appelée mode parking ou statut dormant dans d’autres pays. Elle est depuis longtemps en vigueur dans des juridictions asiatiques voisines comme le Vietnam mais aussi les juridictions de Hongkong et Taiwan. Leurs cadres réglementaires respectifs sont par contre distincts de celui de la République Populaire (PRC).
2. Le cadre légal qui permet de mettre une société en sommeil en Chine
Depuis l'émergence du covid-19, beaucoup d'entreprises ont été fortement affectées et temporairement incapables de mener à bien leurs activités. Même pour celles qui avaient toujours la volonté et les moyens humains et financiers de le faire. Afin de permettre la réduction des coûts mensuels ou charges fixes des entreprises et de protéger leurs droits et intérêts, les autorités chinoises se sont, en la matière, inspirées de la pratique étrangère.
Elles introduisent pour la 1ère fois et par le biais du Règlement, le régime de mise en mode dormant des entreprises.
Il prévoit la possibilité d’une période de cessation temporaire des activités pour les sociétés (« entités de marché » dans le jargon administratif) en difficulté. Cela veut dire que les sociétés immatriculées restent légalement enregistrées auprès des autorités chinoises. Leur raison sociale, leurs licences, comptes en banque, immatriculation fiscale, autres permis et certificats sont conservés. Ils restent valides pour une utilisation ultérieure et pourront donc être ré-employés lors de la reprise des activités.
Le règlement stipule littéralement : « en cas de difficultés opérationnelles causées par des catastrophes naturelles, des accidents désastreux, des incidents de santé publique, des incidents de sécurité publique, etc, les entités du marché peuvent décider de leur propre initiative de suspendre leurs activités pendant une certaine période ».
Le texte ne précise aucune durée autorisée ou durée maximum permise pour la suspension d’activité. Selon des circonstances à expliquer lors de la demande, cette durée peut être de 2 à 3 années. A évaluer pour approbation et décision de l’Administration en charge. En France, une société peut être mise en sommeil pendant une durée de 2 années maximum.
Néanmoins, cette nouvelle procédure ne peut pas servir à dissimuler des difficultés persistantes de trésorerie. Elle est réservée à des entreprises qui ont un statut de fonctionnement normal. En effet, si une entreprise est en situation de cessation de paiements, son responsable légal (dirigeant) doit déposer le bilan de la société. Cela conduit à organiser alors d'autres formalités relatives à la clôture légale de l'entité. Jusqu'à sa radiation complète. Ne pas procéder à des formalités spécifiques de clôture d'une société en Chine entraîne des sanctions. Celles-ci touchent non seulement la société qui sera placée sur liste noire (blacklistée) mais aussi ses dirigeants, chinois ou étrangers.
3. Les règles et formalités à respecter pour une demande de mise en sommeil
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L’entreprise doit, conformément à la loi, discuter et négocier avec ses employés les questions relatives à la gestion des relations contractuelles. Cela touche à la situation des contrats de travail, du salaire, des indemnités ou autre type de compensations prévues.
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Les dirigeants doivent soumettre une demande formelle de suspension temporaire d’activité auprès des autorités chinoises compétentes. Il est nécessaire d'obtenir leur approbation formelle. Retenez par conséquent que le simple choix interne de mise en sommeil ne suffit pas à la rendre effective. Au delà de la décision ou de l'annonce aux employés, c’est une logique d’approbation qui prévaut lors d'une demande formelle à présenter à l'administration.
Ensuite, les autorités publient officiellement les informations de mise en sommeil sur la plateforme chinoise de crédit social des entreprises (National Enterprise Credit Info Publicity System). Cette plateforme accessible au public est destinée à informer les tiers sur le statut d’une entreprise. Elle est l’équivalent public d'infogreffe, le registre du commerce et des sociétés en France.
4. Les autres conditions et précautions à prévoir
Il s’agit aussi dans la pratique de suspendre ou arrêter d’autres contrats. Par exemple :
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Mettre fin au contrat de bail de bureaux et/ou de l’adresse d’immatriculation de la société
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Arrêter, suspendre ou faire transférer des contrats récurrents avec d’autres fournisseurs
- Prendre les dispositions préalables auprès des banques et des organismes de sécurité sociale
- Informer enfin les clients et partenaires de la décision de suspension à titre temporaire de l’activité.
5. La reprise des activités et de la facturation de votre entreprise en Chine
Au cours de la période autorisée de mise en sommeil, si une société exerce des activités (mouvement sur les comptes en banque par exemple), elle est réputée ayant repris ses affaires. Elle ne peut plus alors être officiellement classée comme étant en mode dormant.
Il est alors nécessaire de faire publier l’arrêt de sa période de sommeil auprès des tiers. Cette annonce doit aussi se faire de manière officielle et le nouveau statut mentionné sur la plateforme de Crédit Social des Entreprises.
6. Faire une pause temporaire des activités ou fermer et liquider une société ?
Si la reprise des activités est envisagée à court ou moyen terme, la mise en sommeil est une option souple et assez rapide a mettre en œuvre. Elle a aussi l’avantage de maintenir la confiance auprès des partenaires d’affaires et des employés clés que vous souhaitez garder.
La possibilité est conservée de reprendre ou de signer nouveaux contrats avec la même entité légale chinoise. Cela signifie pouvoir facturer les clients avec les mêmes coordonnées bancaires. Il est aussi possible d'émettre la facture officielle « fapiao » habituelle qu’ils attendent pour les règlements en monnaie chinoise (CNY, RMB).
Sinon, une entreprise immatriculée sur le sol chinois qui souhaite arrêter ses activités doit mettre fin à toutes ses opérations et clôturer ses comptes.
Dans ce cas, une équipe dédiée aux opérations de liquidation des comptes doit être nommée. Elle est responsable de la conduite des formalités de dissolution auprès des autorités locales.
Selon la situation de l’entreprise et de sa situation déclarative passée, il existe deux régimes possibles de clôture comptable et fiscale. Un régime dit « simplifié » et un régime « ordinaire ».
Après que le bureau des taxes (fisc chinois) ait délivré un quitus fiscal à l’entreprise, sa licence d’exploitation peut être résiliée auprès du Registre du Commerce chinois (MSA).
Ce dernier émet une lettre officielle qui confirme que la société est fermée à compter d’une date précise. Les enregistrements ou certificats émis par d’autres administrations doivent aussi être résiliés (et à minima auprès des autorités douanières chinoises pour les entités qui ont une activité d’import export).
Clôturer légalement une société dans des juridictions comme Hongkong ou Singapour prend environ 1 an. En Chine, c’est au moins le temps que prennent des formalités ordinaires de liquidation pour une fermeture légale.
Pour les entreprises étrangères qui disposent d’un bureau de représentation, la transformation en entité commerciale (société à capitaux 100% étrangers ou joint venture à capitaux mixtes) n’est pas directement possible. Les autorités de tutelles étant différentes, il est nécessaire d’ouvrir une société ex-nihilo puis de fermer ensuite le bureau de représentation. Procéder dans cet ordre permet de transférer les contrats des employés au nom de la nouvelle structure.